Visite d'expo – « Vibrations pastels » de Christine Perronnet, Médiathèque de La Riche,
samedi 5 juin (dans le cadre des expos organisées par l'Artothèque Centre-Val-de-Loire ).
Le hasard fait bien les choses. Depuis sa rencontre fortuite avec le pastel sec, il y a une douzaine d'années environ, Christine Perronnet n'a plus lâché cette craie colorée qu'elle fait chatoyer et vibrer sur papier et sur toile avec une remarquable maestria.« Un véritable coup de foudre entre lui et moi », dit-elle. On n'en doute pas, eu égard à l'intense qualité du dialogue avec son médium que l'artiste nous donne à voir et à sentir.
En effet, le pastel est ici mis au service de l'abstraction la plus exigeante. Pas de bavardage narratif. Le pastel, rien que le pastel – en tant que matière en soi – exprimant, sans effets parasites, ses splendides propriétés lumineuses et sensuelles. Rejet sans concession de tout élément figuratif, de toute velléité de forme qui chercherait à apparaître. La quête primordiale et essentielle, dans et par la matière même, de la lumière et de la transparence.Car la lumière, qu'elle s'ouvre vers le dehors ou le dedans, doit émaner en priorité de la matière, irradier du fond, « venir de derrière ». Et si cela peut advenir, c'est grâce au vide.
« Sans lui, l'espace ne vibrerait pas, dit-elle. Le vide nourrit le vide de ce qui l'entoure. » A rapprocher des propos de François Cheng soulignant l'importance du Vide dans le langage pictural chinois : « (...) « La Couleur, c'est le Vide ; le Vide , c'est la Couleur ». La Couleur signifie la manifestation chatoyante du monde phénoménal. Cette manifestation est d'autant mieux exprimée qu'elle est animée par le Vide qui en révèle l'insondable mystère (...) » (Vide et Plein, Seuil, 1979, P.36). Cette fois, pas de hasard dans la rencontre avec ce concept fondamental de l'énergie du Vide extrême-oriental. En effet, Christine Perronnet, scientifique de formation ( doctorats de pharmacie et de biologie végétale) n'a pas suivi l'enseignement d'une école d'art occidentale, mais, lors d'un séjour d'étude post-doctorale de deux ans à Taïwan, elle a été initiée par une vieille professeure de peinture chinoise à l'art de l'encre et de l'unique trait de pinceau. Par conséquent, elle n'ignore pas la vibration dynamique du souffle et la technique par laquelle le Vide est traduit par toute une gamme de nuances de couleur . Par un autre concours de circonstances, c'est à Taïwan aussi qu'elle a découvert une exposition des tableaux de Monet, dont une toile en particulier qui l'a beaucoup émue et marquée durablement. Il n'est pas douteux que, de la conjonction de ces deux influences ( même si d'autres sont survenues plus tard, celle de Soulages, par exemple), est née la secrète alchimie des actuels pastels vibratoires qui captivent les sens et l'esprit par la finesse de leurs textures et par la subtilité, la richesse, la densité de leurs ondes colorées aux mille variations. Ainsi, devant cette série de « Vibrations roses » , dans cette épaisseur rayonnante de la couleur dominante granulée, striée, perlée, animée de lueurs, luisances ou scintillations mystérieuses, se laisser prendre, pénétrer au-delà du verre , entrer en contemplation et en méditation. De même lorsque, sur certaines toiles , la matière devient très sombre et fait songer à cette intrigante « matière noire » encore inconnue qui compose 90% de l'univers... François Cheng écrit que le peintre chinois « vise à créer un espace médiumnique où l'homme rejoint le courant vital ; plus qu'un objet à regarder, un tableau est à vivre. (…)
La peinture doit susciter,en celui qui la contemple, le désir de s'y trouver ; et l'impression du merveilleux qu'elle engendre la dépasse, la transcende.» (Ibid. p.64)
Notre pastelliste n'est pas un peintre traditionnel chinois, mais ses pastels pourraient bien avoir, mutatis mutandis, la même ambition puisqu'elle-même en parle comme d' « une invitation à se laisser porter vers un ailleurs ». Promesse tenue. On a pu constater, de visu, que, ce samedi, il y
avait des voyageurs(ses) comblé(e)s .
Pour tout amateur, le voyage est possible jusqu'au 26 juin.
Chantal Colombier